[le chat acadien]
sans toi la pluie est une bête dramatique
une bobine de film qui tourne en rond et
qui tourne dans le même sens que la montre
l’heure de notre dernier rendez-vous — la pluie
un chapeau érigé sur la terrasse d’un bistrot
—deux pumpkin spice latte, s’il vous plaît—
un chapeau et un chandail qui se parlent
à voix basse on dirait des anges
à voix basse on dirait un trésor
une confession quasi orthopédique
car ça fait mal au dos de se redresser
et de marcher en dehors du café
sans toi
sous la pluie rétive d’un automne à l’envers
où je ne retrouve plus mes pas
car j’ai perdu mes pieds
j’ai même oublié le nom du chat qui nous servait de repère
pour savoir à quel coin de rue il fallait tourner
pour retrouver la station de métro Acadie
c’était toujours le même chat qui nous suivait
—de long en large mais sous couvert—
à dire vrai, la pluie est un nom félin qui m’échappe
une séquence de film où les passantes
sentent toutes le café à la citrouille
et mes narines multipliées s’écrasent
une à une sur les murs
de ce labyrinthe d’aromates
que tu as laissé en moi
Il m’eût suffi d’un miaulement
Extrait de la suite "Le chat acadien et autrès poèmes" pour le 20e numéro, "La dernière pluie", de la revue Lieu Commun du Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l'Université de McGill (Montréal, 2023).